4 : L'Espérance en la Vie éternelle
Colossiens 1,27 : « Dieu a voulu leur faire connaître la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, savoir : Christ en vous, l’espérance de la gloire. »
Spe Salvi
10. Dans la forme classique du dialogue par lequel le rite du Baptême exprimait l'accueil du nouveau-né dans la communauté des croyants et sa renaissance dans le Christ, le prêtre demandait d'abord quel nom les parents avaient choisi pour l'enfant, et il poursuivait ensuite par la question : « Que demandez-vous à l'Église ? » Réponse : « La foi ». « Et que donne la foi ? » « La vie éternelle ». Dans le dialogue, les parents cherchaient pour leur enfant l'accès à la foi, la communion avec les croyants, parce qu'ils voyaient dans la foi la clé de « la vie éternelle ».
En fait, aujourd'hui comme hier, c'est de cela qu’il s'agit dans le Baptême, quand on devient chrétien : non seulement d'un acte de socialisation dans la communauté, non pas simplement d'un accueil dans l'Église. Les parents attendent plus pour le baptisé : ils attendent que la foi, dont fait partie la corporéité de l'Église et de ses sacrements, lui donne la vie – la vie éternelle. La foi est la substance de l'espérance.
Mais alors se fait jour la question suivante : voulons-nous vraiment cela – vivre éternellement ? Peut-être aujourd'hui de nombreuses personnes refusent-elles la foi simplement parce que la vie éternelle ne leur semble pas quelque chose de désirable. Ils ne veulent nullement la vie éternelle, mais la vie présente, et la foi en la vie éternelle semble, dans ce but, plutôt un obstacle. Continuer à vivre éternellement – sans fin – apparaît plus comme une condamnation que comme un don. Bien sûr, on voudrait renvoyer la mort le plus loin possible. Mais vivre toujours, sans fin – en définitive, cela peut être seulement ennuyeux et en fin de compte insupportable.
12. L'expression « vie éternelle » cherche à donner un nom à cette réalité connue inconnue. Il s'agit nécessairement d'une expression insuffisante, qui crée la confusion. En effet, « éternel » suscite en nous l'idée de l'interminable, et cela nous fait peur ; « vie » nous fait penser à la vie que nous connaissons, que nous aimons et que nous ne voulons pas perdre et qui est cependant, en même temps, plus faite de fatigue que de satisfaction, de sorte que, tandis que d'un côté nous la désirons, de l'autre nous ne la voulons pas.
Nous pouvons seulement chercher à sortir par la pensée de la temporalité dont nous sommes prisonniers et en quelque sorte prévoir que l'éternité n'est pas une succession continue des jours du calendrier, mais quelque chose comme le moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité. Il s'agirait du moment de l'immersion dans l'océan de l'amour infini, dans lequel le temps – l'avant et l'après – n'existe plus.
Nous pouvons seulement chercher à penser que ce moment est la vie au sens plénier, une immersion toujours nouvelle dans l'immensité de l'être, tandis que nous sommes simplement comblés de joie. C'est ainsi que Jésus l'exprime dans Jean : « Je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l'enlèvera » (16, 22).
Nous devons penser dans ce sens si nous voulons comprendre ce vers quoi tend l'espérance chrétienne, ce que nous attendons par la foi, par notre être avec le Christ.
MOSAÏQUE
Dans la prédication de Jésus, la vie éternelle n’est pas celle « après la mort ». Elle est notre vie en communion avec Dieu, notre « habitation en Lui ». Elle commence aujourd’hui.
4° MOSAÏQUE – LE CEP ET LES SARMENTS
Dans l'évangile de Jean, Jésus décrit, à travers métaphore du Cep et du sarment, le lien vital de l’humanité à la divinité : « Demeurez en moi comme moi en vous ». C'est cette mutuelle "habitation - en" qui est le lieu de la vie éternelle.
Vous pouvez lire le texte sur le pilier et écouter en cliquant ICI.
Un moine de Taizé
Dans l’Évangile, nous découvrons une espérance, celle de la vie d’éternité. Par là, la Bible indique qu’il y a un au-delà à la vie terrestre, que l’amour de Dieu n’est pas limité à notre existence ici-bas. Comme l’écrit l’auteur de la lettre aux Hébreux, nous sommes « à la recherche d’une patrie », et c’est « à une patrie meilleure » que nous aspirons, qui est « céleste » et non point terrestre (He 11, 14). Ainsi, par la vie de Jésus, tout particulièrement par sa résurrection, Dieu nous invite à une vie au-delà de la vie.
Dès lors, s’intéresser au sort de la planète peut paraître secondaire : n’est-il pas dérisoire de vouloir à tout prix protéger un environnement, somme toute provisoire ? On pourrait même se demander si consacrer de grands efforts à la protection de la planète ne serait pas le signe d’un manque d’espérance en cette vie d’éternité... Mais à l’inverse, ne pas se soucier de cette Terre qui nous est confiée par Dieu semble surtout indiquer un manque de respect envers son œuvre créatrice. Certains, manquant d’un sens à leur vie, en viennent à ne plus prendre soin d’eux-mêmes et à avoir des attitudes autodestructrices ; on pourrait en dire autant d’une humanité désorientée qui n’aurait plus de respect pour cet environnement.
Ainsi, avoir confiance en cette vie éternelle devient plutôt un appel à sauvegarder dès maintenant la création de Dieu. Si Dieu nous juge dignes d’être accueillis auprès de lui pour toujours, cela indique sans doute que notre vie ici-bas reçoit elle aussi une valeur inestimable, et avec elle toute la création en constant renouvellement, elle qui « gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement » (Rm 8, 22). La création continuelle et le salut éternel sont un seul et même mouvement, celui de Dieu qui ne cesse de manifester son amour à toute l’humanité.
Croire en la vie d’éternité ne saurait donc être contradictoire avec le souci de l’environnement. Attendre l’au-delà promis par Dieu implique en effet de respecter l’ici-bas déjà donné par lui. C’est lui qui emplit tout l’univers : « le Seigneur, votre Dieu, est Dieu là-haut dans les cieux et ici-bas sur la terre » (Jos 2, 11). Notre présence dans ce monde a un sens et l’espérance de la vie éternelle ne rend ce sens que plus profond encore. L’Évangile nous appelle à l’amour du prochain, à l’esprit d’émerveillement, qui sont autant de raisons de prendre soin du monde créé : mon comportement a aussi des conséquences pour mes frères et sœurs en humanité, et pour les générations futures.
Or, la création de Dieu désire vivre, aujourd’hui et pour toujours. Comme Albert Schweitzer le disait, « je suis vie qui veut vivre, entouré de vie qui veut vivre » (La civilisation et l’éthique, 1976). La vie d’éternité est une promesse qui nous tient en éveil, une responsabilité pour aujourd’hui.